Les médias les plus récents :
Jardins associatifs : lorsque la ville nourrit la ville
C’est un véritable phénomène de société : depuis les années 2000, de plus en plus de citadins cherchent à produire leurs propres fruits et légumes dans des jardins associatifs urbains. Les chercheurs de l’Inra se sont intéressés à ces petites parcelles pour en savoir plus sur leurs fonctions, leur productivité, et les risques éventuels de cultiver dans des zones polluées.
Dans toutes les grandes villes des pays industrialisés, les jardins associatifs poussent comme des champignons. Paris en est un bon exemple : si en 2003 on comptait 5 jardins partagés, en 2013 on en compte déjà 80. Pourtant, les listes d’attente pour accéder à un lopin de terre s’allongent. Cet engouement pour le jardinage a pris de court les mairies, qui cherchent désespérément dans les interstices urbains ou sur les toits des bâtiments, des surfaces à transformer en potagers. Ce phénomène ne pouvait qu’intéresser les chercheurs de l’Inra. Mené par le laboratoire Sciences action développement : activités produits territoires (SAD-APT) de l'Inra Versailles-Grignon et le laboratoire Sols et environnement de Nancy1, le projet JASSUR (Jardins associatifs urbains, pratiques, fonctions et risques dans les villes durables) s’intéresse aux usages, aux modes de fonctionnement, ou encore, aux dangers potentiels de cette agriculture intra-urbaine dans 7 grandes villes françaises et à Montréal.
Du jardinier du dimanche au producteur autosuffisant
Mais quelles sont donc les motivations de ces citadins-agriculteurs ? « Le plaisir de produire soi-même ce que l’on va déguster - que l’on cherche ou pas à produire beaucoup - est l’une des premières raisons que mentionnent les jardiniers. Il y a ensuite le plaisir d’une activité de nature, le lien avec la terre, retrouver le rythme des saisons. Il y a aussi d’autres motivations comme celles d’une activité de loisir et la recherche d’un lien social avec les autres jardiniers », répond Christine Aubry, chercheuse du SAD-APT.
De ces diversités naît la disparité des productivités. Les chercheurs de l’Inra ont construit un gradient de la fonction alimentaire chez ces jardiniers. Ainsi, pour nombre d’entre eux, la parcelle ne leur permet que de « picorer » quelques fraises, souvent consommées sur place. À l’autre bout du gradient, certains jardiniers réussissent à être autosuffisants en légumes, et à mettre en conserve leurs surplus pour passer la mauvaise saison.
La fonction alimentaire a aussi son importance du point de vue qualitatif, y compris pour les « picoreurs » : ces jardins permettent en effet de cultiver des produits (myrtilles, framboises) que l’on ne s’offre pas forcément à cause de leur prix, ou encore, de produire des légumes de son pays d’origine (fèves algériennes, choux portugais…)
Quid de la pollution ?
Voici la question que tous les jardiniers urbains se posent : le fait de cultiver dans un espace pollué a-t-il un impact sur la qualité du produit ? « On manque encore de données », admet Christine Aubry. Le projet JASSUR tente de déterminer si ces récoltes peuvent présenter un excès pour certains polluants, des métaux lourds par exemple, mais aussi quelle est la part du sol et quelle est la part de l’atmosphère dans ces éventuelles contaminations. Questions cruciales dont dépend peut-être que l’agriculture urbaine ne soit qu’une mode passagère ou bien une source d’alimentation saine et durable pour le futur.
(1) En collaboration avec le laboratoire Telemme (Marseille), UMR 7303.